J. Dion-Guérin. Et que la joie demeure

ET QUE LA JOIE DEMEURE

Et que la joie demeure 88ko

Et que la joie demeure, illustrations de Wilfrid Ménard, Éditinter, 2020, 194 p.
ISBN 978-2-35328-196-1 (20 €).


Pleurer, se révolter mais unir toutes expériences, joies, peines, jouissances, en un bouquet unique de poésie. Ce livre se veut « hymne à la Joie » rythme plus que notes. Est-ce la raison pour laquelle un lecteur qualifie son écriture de : « plume incarnée dans une rythmique d'Andante romantique ». Ce que son auteur, ayant travaillé avec de nombreux peintres, complète en disant : « sous le signe du pinceau ».

 

Contact : guerin.jeannine [at] sfr.fr :

Commande : envoi dès réception d'un chèque de 20 €, plus frais de port 6 €, à l'adresse suivante : Jeannine Dion-Guérin, 77 bis rue des Chesneaux, Bât.D, 95160 Montmorency.

Blog de Jeannine Dion-Guérin

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NOTE DE LECTURE

Par Nathalie Érica Cousin

En lisant ce vingtième ouvrage de Jeannine Dion-Guérin, toute son œuvre m'est apparue en filigrane dans tout son relief, toute son épaisseur. Tel un faisceau lumineux, il éclaire en effet l'œuvre entière et en constitue la strette magistrale en resserrant tous les thèmes, dans la perspective explicitement fournie par le titre : Et que la joie demeure, en référence à Beethoven dans le finale de la Neuvième Symphonie : l'Hymne (ou Ode) à la joie.

Pour Jeannine Dion-Guérin, « ce n'est pas de la joie spirituelle dont il s'agit, mais d’abord de la petite joie du quotidien, qui amène à la Joie avec un grand J. »

Elle nous offre ici son testament littéraire, à l'instar de François Cheng (Le Livre du Vide médian) présent dans Et que la joie demeure, parmi tant d'autres poètes, artistes, amis, etc. , incluant ses maîtres tutélaires, Van Gogh, Senghor, Darwin.

Ces nombreuses citations et dédicaces structurent l'ensemble et permettent un regroupement assez libre des poèmes par grands thèmes récurrents : le cycle de la vie, les lois de la nature, le temps, les saisons, la biodiversité, de l'infiniment petit (les bactéries, hommage « À l'unité, diversité, complexité du Vivant »), à l'infiniment grand, l'ombre, la nuit abyssale, la lumière, la différence, l'amour, la relation à l'autre, la liberté, la résilience, la mémoire, les arts, la beauté, les mots, la poésie.

Il serait possible de suivre la traçabilité de certains de ses thèmes, mots clés, verbes, images « analogiques » (Senghor) de prédilection que le lecteur prendra plaisir à découvrir ou redécouvrir dans les recueils précédents, depuis le tout premier : L'Amande douce-amère (1985). Ainsi du thème de l'arbre inauguré bien avant Le Tracé des sèves. Dans Et que la joie demeure, elle fait du figuier banian (l'arbre sacré des bouddhistes) son « arbre de poésie », va jusqu'à « se sentir arbre » sans oublier d'adresser une Ode à « feu mon acacia ».

Jeannine Dion-Guérin veut avant tout « laisser trace ». La petite orpheline qu'elle fut « a voulu dire que l'arbre sans racines est profondément implanté maintenant et qu'elle l'a fait pour que ses enfants puissent avoir leurs racines. » Elle lègue ainsi, en plus de cent trente nourrissants poèmes, (sa « confiture des mots » pour citer Senghor) « un recensement des idées, des choses qui ont conduit [s]a vie, les idées principales qui ont été le fil d'Ariane, jusqu'à la sortie du labyrinthe. »

On ne peut comprendre en profondeur la poésie de Jeannine Dion-Guérin, si intimement imprégnée du vécu, si l'on ne prend pas en compte cette dimension autobiographique, qu'elle a dévoilée en grande partie dans À l'ombre du baobab : rencontre du poète Léopold Sédar Senghor (2017). Elle fait sienne la notion de Négritude dans le sens qu'en donne J. P. Sartre : « c'est moins le thème que le style, la chaleur émotionnelle qui donne vie aux mots, qui transmue la parole en Verbe. » S'appuyant sur cette parole biblique « le Verbe s'est fait chair, il a habité parmi nous », Jeannine Dion-Guérin n'a de cesse de nous inviter à une lecture toute en « ressenti », « à fleur de peau » pour entrer complètement dedans, jusqu'à la chair, jusqu'au frisson, à l'ivresse, à l'exultation, au vertige ! Elle dit : « j'ai tenté par ma poésie de faire un lien étroit entre la chair et l'esprit » et achève effectivement Et que la joie demeure par « la corrida des noces païennes de la Chair et du Mot. »

Et s'il est une image que je voudrais garder pour conclure, c'est bien celle de la danse : celle d’un tango : « partageons / le nouveau tango de la Joie » (Tango de la nuit) ou bien celle du derviche tourneur (Confidence), comme une offrande à l’autre de la vraie joie, celle qui monte du pied pour toucher tous les endroits du corps.  « Ainsi que Lulli a composé / note à note son Carnaval // pour s'en satisfaire d'abord, puis / donner à tous l'envie de danser. »

Quel plus beau message d'amour pouvait-elle transmettre ? C'est la façon même qu'a eu Jeannine de conduire sa vie.

(mai 2020, revu 16 janvier 2021).


Cette note de lecture est issue de « Confidence pour confidence : présentation de Et que la joie demeure » publiée sur Le blog de Jeannine Dion Guérin le 13 mai 2020 et sur Babelio

 


EXTRAIT

Brume d'automne

Rendez-nous le carré
de clarté émergeant ici et là

des verticales bétonnées
de nos hautaines capitales.

Rendez-nous des toits
les ardoises moirées,

que nous y déposions
la traîne de nos rêves en exil.

Rendez-nous du soleil
la sagesse ou autres artifices
ses coups de gueule ou caprices

qu'ils égaient l'imaginaire
des villes concentrationnaires

murées qu'elles restent derrière
les portes bloquées des ascenseurs.

(p. 162)

 


Mise en ligne de cette page : 18.04.2020 par N. Cousin - maj 13.01.2021. 16.01.21