Les routes de la Toussaint
Sur les hauts-plateaux
Le vent tournait en rond.
Nous avons roulé
entre des murettes bâties de main d'homme
et les blocs énormes d'un chaos géologique
tandis qu'au loin, la neige blanchissait le mont Aigoual.
Ayant laissé une flamme timide
veillant dans la petite église d'Esclanède
nous avons viré
avec les méandres d'une route étroite
tapissée aux couleurs des châtaigniers.
Le Lot bombait ses eaux puissantes sous le pont de Saint-Geniez
et les fumées donnaient aux toits bleutés
la douceur des paysages de Gérard de Nerval.
Nous avons poursuivi le soleil
jusqu'à sa dernière flaque.
Et le donjon d'Estaing s'est enveloppé
d'une lourde brume du soir
Novembre se montra généreux de lumière et de couleurs
alors que les monts d'Aubrac brodaient de blanc
la soie transparente du ciel.
Route des souvenirs
sur les pierres jaunes du collège d'Espalion
dans la rue glacée grimpant au "Fort" de Laguiole.
Route du souvenir
marqué du vertigineux canyon de Bozouls
et des gigantesques éboulis volcaniques de Roquelaure...
Longue route des amitiés discrètes
L'une, en haut d'un escalier tortueux, au château d'Estaing,
l'autre, au pied des falaises familières des Causses de Millau.
Mais c'est devant une pierre grise et lisse
que ma tendresse s'est arrêtée,
douloureuse, devant quelques lettres dorées
qui disent ma naissance et ma vie...
Comme il est clair et lourd
le temps de ces anniversaires
éphémère élan d'une impatience triste
dans une suite de jours pleins de regrets et d'oublis !
Au-delà des hauts-plateaux
où le vent tourne en rond
je laisse chaque fois un peu de mon âme
au loin,
dans les murailles épaisses d'un étonnant château
derrière une fenêtre où se dessine le Larzac
- chaleur d'une amitié tardive -
et devant le marbre gris devant lequel tremblent des fleurs
une part glacée de chair et d'amour.
Mise en ligne 4.5.21 par Nathalie Cousin alias La souris curieuse. Poème publié dans le Bulletin d'Espalion (29 oct 1993),