Clara Mohammed-Foucault 13.9.18
Emission L'onde poétique
Rencontres francophones
jeudi 9 septembre 2018
de 21 h à 22 h
sur IdFM / Radio Enghien 98 MHz / FM
ou en ligne : http://idfm98.free.fr/
Pedro Vianna
reçoit Clara Mohammed-Foucault, poète franco-trinidadienne
Clara Mohammed-Foucault est née à Trinité-et-Tobago, îles découvertes par Christophe Colomb en 1498 lors de son troisième voyage. Il s’agit d’un pays composé de deux îles situées dans la mer des Caraïbes au large du Venezuela. C’est un pays anglophone, aujourd’hui une république démocratique.
Le pays est composé d’une population cosmopolite de 1,2 million d’habitants, majoritairement des Afro-Trinidadiens et des Indo-Trinidadiens, ces derniers appartenant à la diaspora indienne, des immigrés venus de l’Inde au XIXe siècle comme travailleurs sous contrat.
Pour Clara, l’anglais est une seconde langue, sa langue ancestrale étant le bhodjpouri qui s’apparente à l’hindi. Enfant, elle navigue entre le bhodjpouri et un anglais créole, l’anglais standard étant parlé uniquement à l’école.
Enfant, elle baigne dans une culture islamo-hindoue transposée du sous-continent indien, composée de musique, de chants, et de liturgies sanscrite et islamique. Cette culture syncrétique se complétera ensuite par l’apprentissage de l’Évangile qui fait partie du cursus de son lycée.
Fille d’un père instituteur et d’une mère couturière, Clara a eu une jeunesse privilégiée. Ses parents étaient doués en peinture et en artisanat. Mais surtout, elle avait accès à la bibliothèque familiale, modeste mais déjà pourvue de Tolstoï, de Victor Hugo, de Maupassant et des classiques anglais. Inscrite à la bibliothèque municipale dès l’âge de six ans, elle se souvient de l’enchantement de son premier emprunt, Bambi.
Clara commence à apprendre le français au lycée à l’âge de 11 ans. Ce lycée protestant favorisait l’élève « complet », mettant l’accent non seulement sur l’excellence dans la maîtrise des matières mais aussi sur la préparation des élèves aux concours nationaux de théâtre, de chant, d’opérettes, des activités sportives et similaires. Plus tard, Clara enseigne dans ce même lycée et continue la riche tradition de mises en scène de pièces de théâtre et la formation de ses élèves en élocution et en chant.
Ensuite elle fait des études de lettres et de langues vivantes sur place, à l’Université des Indes Occidentales, se perfectionnant à l’Alliance française de San Fernando, ensuite en France, à Nice et à Caen. Elle prépare alors une thèse sur André Malraux, sur le thème La confrontation des civilisations occidentales et orientales dans les œuvres d’André Malraux. Elle retourne au pays natal, puis revient en France, à Paris, où elle termine des études en relations internationales au Centre des Hautes Études pour l’Afrique et l’Asie Modernes (CHEAM), puis elle part pour le Kenya, où elle intégrera le corps enseignant de l’Université de Nairobi en tant que professeur de littérature française.
En 1981, elle débute à Genève une longue carrière en tant que fonctionnaire internationale au Bureau international du Travail, l’agence des Nations unies chargée d’élaborer des normes internationales du travail et de promouvoir la justice sociale dans le monde. Elle y conduit des projets de développement et des recherches et publie de nombreux articles dans la revue trilingue Éducation Ouvrière, qu’elle dirige, ainsi que des rapports sur des questions sociales et l’histoire du travail dans le monde.
Clara ne se souvient pas d’un temps où elle n’a pas été une lectrice avide. À 11 ans elle avait déjà lu en traduction anglaise Madame Bovary, Les misérables et Candide qui se trouvaient dans la bibliothèque familiale. Jeune enfant, elle doit à ses parents une “certaine idée” de la France et de sa civilisation. Si elle ne se souvient pas d’un temps où elle n’a pas lu, elle ne se souvient pas non plus d’un temps où elle n’a pas écrit. Elle écrit, en anglais, naturellement, poèmes et textes pour le théâtre, sans parler des articles et essais rédigés dans le cadre de son activité professionnelle.
Elle n’avait jamais pensé un jour écrire des poèmes en français. Mais voici qu’elle finit par publier un recueil entièrement écrit en français. Cette démarche reste toujours un mystère qu’elle ne s’explique pas, mais… voilà… grâce à ce mystère, nous l’accueillons le 13 septembre 2018 aux Rencontres francophones de L’onde poétique pour parler avec elle de l’ensemble de son travail littéraire.
Source : http://www.idfm98.fr/rencontres-francophones-avec-clara-mohammed-foucault-poete-franco-trinidadienne/
Tamaris
Je retourne au désert cueillir du tamaris
Dans ces sables de feu adoucis d’oasis :
Mes rêves en lambeaux, d’une allure de gueux,
Je flotte dans le vent, épouvantail frileux.
Mes ailes plient déjà comme un drapeau en berne,
Pour couche je choisis l’abri d’une caverne —
Mais regarde, à minuit, les astres scintiller !
Une lune monter et moirer les palmiers !
J’allume des foyers de brindilles d’armoise —
La craie de mes parois qu’au matin je pavoise
De galles et d’oursins, de nautiles, de graines,
Signera mon passage en ces saisons lointaines.
Hier des songes roses exhalaient des parfums,
Nos rires argentins surprenaient les lutins,
Le cresson fleurissait au bord des ruisselets,
Dans le ciel pointillaient dix mille sansonnets.
Ici ne s’entend plus l’écho de nos idylles :
Nous ne craignions alors ni les rois ni l’exil —
Si jadis l’arc-en-ciel régissait notre vie,
Des stryges s’acharnaient contre nous sans répit.
Et depuis nos adieux, nous parcourons le monde,
Nous laissant dériver sur la crête des ondes :
Le chagrin a ôté à chacun le sourire,
Mais dis le mot magique et rends-nous l’élixir.
Clara Mohammed Foucault
in Soupirs du récif
Éditions les Poètes français
Paris, 2016
© Éditions les Poètes français
et Clara Mohammed Foucault
Poème aimablement communiqué par l'auteur.
avec Michel Cousin à la technique
Mise en ligne de cette page : 13.9.18 par Nathalie Cousin (la souris curieuse). dernière maj : 2.10.18. Photos : Michel Cousin.