Refrain de bise
J'avance dans la nuit
Aux rues de goudron blême
Et mon regard s'étanche
Au ciel des grands mystères
Une fleur va musarde
Ombre effacée ne peine
Va mon coeur effaré
Sur la terre qui naît
Le clair de lune chute
Sur la terre de laine
Le temps ne compte pas
Le temps ne compte plus
La rime de travers
Le rythme est à l'envers
Les doigts mangés de glace
La figure grimace
Et le gris de la nue
A mis le jour à nu
Les lèvres ont blêmi
Le temps est en blasphème
Je retourne sans cesse
Aux horizons suprêmes
Je tourne et je détourne
Les regards disparus
Les images perdues
Les rêves entr'aperçus
Ma main ne jette plus
Les paroles surprises
Ma main a des abus
De paroles apprises
Mon temps est un torrent
Qui emporte le chant
Des rêves renaissants
Il prend et il ne rend
La plage est délaissée
Par les airs silencieux
Qui en des mots aisés
Rebâtissaient les cieux
J'ai perdu mes paroles
Dans une barque molle
Sur lit de parabole
Devenue hyperbole
Mon crayon s'est enfui
A l'horizon des nuits
Ma plume s'est enfouie
Dans les mots inouïs
Sur les larmes de pluie
Sur le mots de minuit
Et sur le front des ans
J'avance en innocent
Oui sur mes doigts de bronze
Coulent des mots brisés
Quand le mois est en onze
Les ans sont irisés
J'ai des nids de bijoux
Tapissés de mots doux
Des terres habitées
Et des songes hantés
René Eyrier, poème écrit à Saint-Cloud, le 23 février 1988 à 13h15,
extrait de : Pour Jeanne, 1988, (1er volume), Éditions du Pharaon [1988].