La vieillesse est une injustice

La vieillesse est désert au dessert de la vie,
La vieillesse est ennui dans la nuit du désert.


Comme photo jaunie au nid d'un vieux grenier,
Les bonheurs envolés ont perdu leurs contrastes
Et l'infiniment gris grisaille le charnier
Des souvenirs brûlés par ces iconoclastes
Que sont les ans maudits qui comptent froidement
Les rides sur le front et le vieillissement.

Car les ans passeront passant sur nos désirs,
Déchirant nos amours pour nous les rendre amères,
Brouillant nos souvenirs, diluant nos plaisirs,
Réduisant nos bonheurs en instants éphémères
Qui nous assiégeront jusqu'au dernier moment
Et viendront nous narguer dans notre isolement.


La vieillesse est ennui dans la nuit du désert,
La vieillesse est regrets au gré des souvenirs.


Le temps coule trop vite et les jours sont si longs
Quand on a tout son temps et que sonnent les heures
Comme un compte à rebours, comme autant de jalons,
Quand les moindres projets ne sont plus que des leurres
Et que chaque printemps est un printemps volé
Pour celui qui toujours est un être esseulé.

Car les jours passeront passant sur nos ennuis,
Ralentissant nos pas, dispersant nos neurones,
Alourdissant nos corps et nous privant d'appuis,
Imposant à nos mains des gestes asynchrones
Pour que nous lâchions ce monde désolé
Que nous crûmes à nous en un temps reculé.


La vieillesse est regrets au gré des souvenirs,
La vieillesse est remords à la mort des espoirs.

 

 

Des milliers de châteaux que nous avons bâtis
De rêves insensés en nos nuits espagnoles,
Des millions de vouloirs aussitôt démentis
Au temps où nous vivions de nos vérités folles,
Que nous restera-t-il aux portes de la mort
Quand notre bateau fou regagnera le port ?

Les saisons ont passé sur nos pauvres raisons,
Sur nos songes brisés et sur nos déchirures,
Sur quelques lâchetés et quelques trahisons,
Sur tant de cauchemars, de coups et de blessures,
Qui furent notre croix, qui firent notre sort,
Et qui veillent encore à l'heure où l'on s'endort.


La vieillesse est remords à la mort des espoirs,
La vieillesse est désert au dessert de la vie.


Yves-Fred Boisset