Ode aux crayons
Je dois vous l’avouer… j’ai un faible pour le crayon noir avec gomme ;
Non, non, pas ces clic-clac en plastic dont la mine acérée, lacère le papier
Et casse à la moindre émotion,
Non, les vrais, en bois,
Ceux qui vous font cadeau de petits tutus parfumés quand on les taille.
Ceux avec la bague métallique qui garde l’empreinte des dents.
Il y a d’abord, ces bouffées d’enfance qui montent du mélange
Subtil et complexe, de bois, de mine de plomb et de métal
Le doux rugueux de la gomme
Sa souple fermeté
Puis cette plainte, ce gémissement du bois mordu
Et l’acidité des miettes de peinture crachées comme un défi à la page blanche.
Il y a les douces vibrations de cet archet sur les cordes du papier
Discrète complainte respectueuse de la concentration
Et les sèches percussions
De la ponctuation,
Le crissement de girouette au cœur du taille crayon
Et le refrain rythmé de la mine affûtée.
Et puis, il y a la rotation nerveuse entre les doigts,
Cherchant la bonne orientation, les pleins, les déliés et les points appuyés,
La magie de la trace
Des courbes sensuelles aux énergiques traits
Et le retournement rapide et simple de l’objet
Geste preste, qui suit, ou devance les errements de la pensée.
Vingt centimètres d’une petite éternité offrant tous les possibles
Hésiter, corriger, annoter, souligner, rayer, effacer ;
Incitation, invitation,
Inspiration, disparition
Allers et retours de l’esprit,
Hauts et bas de la ferveur d’écrire
Liberté d’être,
Et de vous dire.
2008
Poème aimablement communiqué par l'auteur que nous remercions.
Création de cette page : 12.2.2018