N. Lauro, Vides et Sensations


Nathalie LAURO

Vides et Sensations : poésie

Edilivre, DL 2017, 62 p.

ISBN 978-2-414-16995-5. Prix : 9 €

Recueil primé en 2019 : 1er prix du recueil aux 46e Jeux Floraux de La Roche sur Yon

 
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Contact : nathalie.lauro@gmail.com


 

Note de lecture par Nathalie Cousin

La publication de ce recueil de 51 poèmes de Nathalie Lauro, choisis parmi un ensemble beaucoup plus vaste de centaines d’autres, a été visiblement d’une importance cruciale pour elle. D'emblée, la dédicace donne le ton : « Ce recueil est dédié à toutes celles qui ont subi de la maltraitance physique et psychologique, à toutes celles qui ont avancé sur des terrains minés, qui ont appris à rester vivantes dans la mort et à combattre contre leur exsanguination programmée. »

Avec Vides et Sensations, Nathalie Lauro se situe dans l’air du temps, au premier plan de l’actualité. La parole des femmes victimes de violences sexistes commence en effet à être entendue de tous, grâce notamment à l'action des associations ou des organisations féministes comme le collectif #NousToutes, né en juillet 2018.

Lus ou non dans ce contexte, ces poèmes, à l'évidence autobiographiques, écrits par une écorchée vive ne laissent pas le lecteur indemne. Ils prennent une valeur de témoignage fort et authentique ainsi qu'une valeur de résistance : « Les mots aident / À combattre » et de thérapie : « Les mots nous soignent, / Nous protègent. »

Tout au long de son recueil, Nathalie Lauro s'adresse, sur le mode du tutoiement, à son ex-mari qu'elle a quitté au bout de dix ans. Oscillant classiquement entre son amour ambivalent pour lui, pourtant dévastateur : « Rongée au plus profond de moi, / Saignée par tant d'amour pour toi », la haine (« Je te hais, je te hais, Je maudis c'que tu es ») et le ressentiment (« je t’en veux »). 

Elle lui reproche son comportement général sans rien lui épargner ; tout y passe dans un véritable déluge : sa froideur glaciale, ses menaces, injures, accusations, sa superficialité, son manque de passion, ses trahisons, son inconstance... « ton dévorant carcan et ton stress permanent », « tes idées arrêtées », « ton système buté », « ton sinistre amour fuyant » [...] « Ton silence est trop dur, Il en est même obscur, Je ne me jetterai, Jamais plus sur tes murs. » « Ton silence est trop sourd, Il en est même lourd, » [...] « Ton silence est de plomb, Ton silence est sans nom, Je ne me battrai plus, À mains nues, sans armure. »

Nathalie Lauro prend conscience de tout ce qu'elle ressent et, grâce à la poésie, peut poser des mots sur ses maux : le vide, l'amertume, la peur : « J'ai peur de toi [...] J'ai peur des ombres », « J'ai peur parfois d'un certain "lâcher prise" », la tristesse larmoyante proche du désespoir (« Que valent mes sanglots, Noyés par les flots » [...] « Mes pleurs sont sans fin, Sans couplet, ni refrain »), la déception, etc. Elle a le sentiment qu'il veut la détruire tout entière, corps, cœur, « âme en délire », « esprit en torture », tout cela après avoir cru qu’il pourrait lui apporter au contraire la douceur, le rire et le bonheur. « Comment vivre en accord dans ce sombre décor ? »

Pourtant, c'est peut-être à partir des vides et du lâcher prise qui lui faisaient peur, qu'elle va pouvoir se reconstruire en acceptant de faire le deuil de cet amour toxique. Le 51e et dernier poème de Vides et Sensations laisse entrevoir une nouvelle vie enfin heureuse :

« Le jour d'après, j'eus l'accalmie, Définitive et si jolie, Plus qu'un répit, une autre vie. J'ai enfin trouvé des merveilles, Des fleurs et des nuits étoilées, Du sable chaud, un doux tempo, Un horizon, des papillons, Tout ce qu'on aime, Ce dont on rêve, Ce qui est soie, Ce qui est doux. Toi, tu es où ? Ça, je m'en fous, Je ris, je vis, je chante enfin, Je ne veux plus pleurer sans fin, Je t'oublierai, ça, c'est certain. »

 


Mise en ligne 4.12.19 par Nathalie Cousin, alias la Souris curieuse. Maj 29.12.19. Cette note de lecture paraîtra également dans la revue n° 114 de L'Ouvre Boîte à Poèmes)