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Offre moi ce oui... note de lecture Louis Delorme

 Qui n’a rêvé d’un art total ? Marier la voix, la musique, l’image ? N’est-ce pas la poésie qui se prête le mieux à cette symbiose ?  Jeannine Dion-Guérin pour la voix et les poèmes, Alain Richou pour la musique, Wilfrid Ménard pour les illustrations se sont réunis pour nous offrir ce oui... pour nous séduire, nous charmer, nous transporter...  C’est Victor Hugo qui, sur la fin de sa vie ( in Le Tas de Pierres ) recommandait de faire de la poésie avec des mots simples, des mots courts : quoi de plus beau, de plus court, que ce mot fait de trois voyelles et pourtant si dur à prononcer parfois ?  Ce oui est déjà en lui-même une offrande. Et pourquoi pas un programme ?  La langue de  Jeannine est fluide, claire, c’est déjà un oui à la beauté.  Une langue qui chante lorsqu’elle nous dit : « Je n’ai rien à conter / Que les épis de blé / Dans les champs de l’été / N’aient essaimé déjà.  » Une belle chanson avec son refrain qui change : « Je n’ai rien à chanter... Je n’ai rien à donner ...» Et la belle conclusion : « Tu n’as rien à donner / Que ce peu que tu es / Que ce rien que tu as. » Tout est dit en ces quelques mots. Le poète n’a rien qu’eux. Ce qui compte aux yeux de qui le reçoit, c’est bien ce qu’il est. La poésie est d’abord une offrande, une invitation au partage. Ce partage se fait dans la lecture. Cette reconstruction sans laquelle le poème reste dans les limbes.  Je n’ai fait jusque-là que parcourir le livret. J’insère le disque dans mon lecteur et là, la magie opère : la guitare d’Alain Richou  nous fait pénétrer dans le monde de Jeannine et accompagne sa voix chaude. On mesure mieux ce qu’elles s’offrent l’une à l’autre, ce qu’elles magnifient en s’unissant. On comprend que la vie du poète est tout entière dédiée à la poésie, on saisit que c’est la vie elle-même qui est un poème : « Et puis surtout / Il y a toi / Ombre parmi les ombres / Long poème pétri d’ébène / Inviolable et secret / TOI / Perpétré à longueur de temps / A langueur de mots / Dans l’emphase creuse / De mes phrases. »  Laissez-vous bercer, emporter par la musique et le déroulement sublime des mots. Vous reviendrez au texte pour plonger dans les illustrations qui sont, elles aussi, riches de dépaysement. Vous reviendrez au texte dont la forme est ciselée jusqu’à la perfection. Jeannine joue avec les sonorités qui s’appellent, se confondent, se différencient, se répondent, donnent du sens. On entre dans la philosophie de la vie : elle fait cas de l’essentiel, des choses simples, des éléments, de ces oui que l’on dit au présent qui s’annonce, de tout ce qui, au yeux de beaucoup, passe pour de l’insignifiant. La poésie nous propose autre chose, autre chose que ce que l’on vit "ordinairement". Non qu’elle soit extraordinaire mais parce qu’elle sait jeter sur l’existence un regard d’éternité.

Louis DELORME