Parfums 3.3.18


 

Adhérents ou non de l'assocation, vous êtes tous conviés

au Coin des poètes de l'Ouvre Boîte à Poèmes

à la Briqueterie de Montmorency

6, av. de Domont, 95160 Montmorency

samedi 3 mars 2018

de 14h45 à 17h30

Thème (facultatif) :

PARFUMS


Les parfums

Mon coeur est un palais plein de parfums flottants
Qui s’endorment parfois aux plis de ma mémoire,
Et le brusque réveil de leurs bouquets latents
– Sachets glissés au coin de la profonde armoire –
Soulève le linceul de mes plaisirs défunts
Et délie en pleurant leurs tristes bandelettes…
Puissance exquise, dieux évocateurs, parfums,
Laissez fumer vers moi vos riches cassolettes !
Parfum des fleurs d’avril, senteur des fenaisons,
Odeur du premier feu dans les chambres humides,
Arômes épandus dans les vieilles maisons
Et pâmés au velours des tentures rigides ;
Apaisante saveur qui s’échappe du four,
Parfum qui s’alanguit aux sombres reliures,
Souvenir effacé de notre jeune amour
Qui s’éveille et soupire au goût des chevelures ;
Fumet du vin qui pousse au blasphème brutal,
Douceur du grain d’encens qui fait qu’on s’humilie,
Arome jubilant de l’azur matinal,
Parfums exaspérés de la terre amollie ;
Souffle des mers chargés de varech et de sel,
Tiède enveloppement de la grange bondée,
Torpeur claustrale éparse aux pages du missel,
Acre ferment du sol qui fume après l’ondée ;
Odeur des bois à l’aube et des chauds espaliers,
Enivrante fraîcheur qui coule des lessives,
Baumes vivifiants aux parfums familiers,
Vapeur du thé qui chante en montant aux solives !
– J’ai dans mon coeur un parc où s’égarent mes maux,
Des vases transparents où le lilas se fane,
Un scapulaire où dort le buis des saints rameaux,
Des flacons de poison et d’essence profane.
Des fruits trop tôt cueillis mûrissent lentement
En un coin retiré sur des nattes de paille,
Et l’arome subtil de leur avortement
Se dégage au travers d’une invisible entaille…
– Et mon fixe regard qui veille dans la nuit
Sait un caveau secret que la myrrhe parfume,
Où mon passé plaintif, pâlissant et réduit,
Est un amas de cendre encor chaude qui fume.
– Je vais buvant l’haleine et les fluidités
Des odorants frissons que le vent éparpille,
Et j’ai fait de mon coeur, aux pieds des voluptés,
Un vase d’Orient où brûle une pastille.

Anna de Noailles, Le coeur innombrable


 

Harmonie du soir

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.

Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !

Charles Baudelaire - Les Fleurs du mal - Spleen et Idéal


 

En forêt


On quitte la grand'route et l'on prend le sentier
Où flotte un bon parfum d'arôme forestier.
Dans le gazon taché du rose des bruyères,
Surgissent, ça et là, des ajoncs et des pierres.
Un tout petit ruisseau que verdit le cresson
Frôle l'herbe, en glissant, d'un rapide frisson.
Nul horizon. Le long de cette sente étroite,
Une futaie à gauche, un haut taillis à droite.
Rien ne trouble la paix et le repos du lieu;
Au-dessus, un ruban très mince de ciel bleu
Que traverse parfois, dérangé dans son gîte,
Un oiseau voletant, qui siffle dans sa fuite.
Puis, c'est, plus loin, une clairière à l'abandon,
Où noircissent encor des places à charbon ;
Des hêtres chevelus se dressent, en un groupe,
Des arbres épargnés à la dernière coupe.
De grands troncs débités s'étagent en monceau.
C'est tout auprès que prend sa source le ruisseau.

Henri de Regnier

 


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