M. S. Vaugien. B Bellac

 

Vaugien mals slam couv

Brigitte Bellac. Marie-Stéphane Vaugien, Mals à mon slam,
Saint-Etienne-de-Fougères,
Les éditions du Bord du Lot, 2017, 131 p. 978-2352083528 (15 €)

 

"Brigitte Bellac a commencé à écrire… dès qu’elle a su écrire ! Des contes pour enfants, des nouvelles pour l’Oreille en Coin de France Inter, des pièces de théâtre dont « ;Jacques a dit » jouée au Lucernaire, des téléfilms, des courts-métrages et des longs-métrages de cinéma, elle n’a fait qu’écrire et vivre de sa passion tout au long de son existence. Le slam est pour elle le moyen idéal de faire rire aux larmes autant que d’émouvoir façon Kleenex.

Née de l’autre côté de la mer il y a plus de 60 ans, Marie-Stéphane Vaugien en a gardé la sensibilité à fleur de peau de l’arrachement au pays, mais le goût éperdu pour d’autres paysages, la soif inextinguible d’autres sourires. Elle rassemble tout cela dans un livre Entre deux bleus, où on découvre la planète par ses souvenirs de voyages, pépites d’instants volés, de rencontres du bout du monde, de paysages inattendus, d’éclats de rire partagés. Elle a le goût de l’observation, de l’émotion-frisson qu’elle libère dans ses slams, dans ses chansons également puisqu’elle chante aussi !" (4e de couverture)


 

Et si l'on s'aimait... et si l'on slamait... ?

petite note de lecture

par Nathalie Cousin

On ne parle que très peu du slam sur ce site et c'est dommage, car c'est un bon antidote à tous les mals du monde ! L'anagramme mals / slam contenue dans le titre nous met tout de suite dans l'ambiance ludique des jeux de mots qui sont une des caractéristiques du genre. 

Brigitte Bellac (B.B.) et Marie-Stéphane Vaugien (M.S.V.), toutes deux slameuses (entre autres, car elles ont plusieurs cordes à leur arc), s'en donnent en effet à coeur joie dans une joute poétique faisant alterner leurs deux voix comme des balles de ping pong. Le recueil contient 56 textes pas piqués des vers, soit vingt-huit chacune, alliant virtuosité et complicité. Au pays des ani-mots (M.S.V., p. 29-30), « les mots sont des coquins ! » Les voici, les mots, ou les slameuses, se délectant de ceux commençant par «con » (La conquête des cons, M.S.V., p. 65-66) ou jouant à cloche-pied sur le mot « pied » : (Et t’avoir rencontré, c’est…, M.S.V., p. 91-92) ou bien sur les mots « phare / fard ». (Toi, t’es mon phare, B.B., p. 127-128). Les voici qui monoriment sur la syllabe « ou » (Je suis tout « tatoo » de toi, M.S.V., p. 61-62) ou sur deux rimes en « oc » et «ec » (Ad hoc, M.S.V., p. 13-14) ou s'amusent à faire des « fot'd'orthographe »  dans le langage des jeunes des cités d'aujourd'hui en  s'inspirant également des exercices de style de Queneau dans des parodies hilarantes (de la tirade de Cyrano à Roxane, devenue de Roxane à Cyrano). « j'te fais (...) des gâteaux z’au miel (...) et aussi des bouillons aux pâtes z’alphabet » (Je t'aime..., B.B. p. 49-51) !

Si Brigitte Bellac et Marie-Stéphane Vaugien cultivent l'humour et l'ironie, voire l'auto-dérision (Ah, je ne ris plus de me voir si…, M.S.V., p. 81-82) et n'engendrent jamais la mélancolie, elles ont l'art de mettre des mots sur leurs maux (et les nôtres) qu'il s'agisse de leurs histoires d'amour tragi-comiques (Amour ?, M.S.V., p. 21-22 Slam Myriam !, M.S.V., p. 103-106, Meetic, B.B., p. 79-80...), ou d'une critique de la société, dénonçant la destruction de la planète (Misère sur terre, B.B., p. 93-94), la violence (J’ai peur, B.B., p. 45-46), les massacres des animaux, les guerres (Mes lunettes, B.B., p. 89-90), la corruption financière (Panama Papers, M.S.V., p. 85-87), la peur de l'autre, la misère, opposé aux anges et archanges qui « savent ce qu’est le Beau, le Bien, le Bon et l’Amitié » (Le diable, B.B., p. 23-24).

Généreuses et engagées, Brigitte Bellac et Marie-Stéphane Vaugien écrivent à l'occasion pour le Téléthon (Il était une Foi, B.B., p. 37-38) ou pour le Festival ZIG-ZAG (pratiques artistiques adaptées au handicap) (Mon handicap, M.S.V., p. 77-78). Des moments de poésie et d'amitié, comme dans cet hommage à Prévert photographié par Doisneau (Prévert au guéridon, M.S.V., p. 95-96), aux souvenirs féeriques de l'ex-hôtesse de l'air (Et ça tourne, tourne…, M.S.V., p. 109-110), le slam peut traduire tous les états d'âme et permet de dédramatiser, de décomplexer l'écriture et de se libérer de bien des carcans. « Eh dites ! Ça mérite bien quelques gentils bravos ! »

6-7.01.2021


Extrait :

État d’âme (M.S.V., p. 47-48)

J'ulule des voyelles
Butte sur des consonnes
P, D, T me collent au palais, je bégaye, m'emmêle
Tempêtes sous le crâne, cyclone.

Et puis un jour, les mots se calment, s’ordonnent
Les phrases s’alignent, se façonnent
Elles disent les mêmes maux avec les mêmes mots
Mais, dedans, y a plus les sanglots
Qui rendaient illisible l’écriture
L'écoute herculéenne, véritable sinécure
C’est devenu une histoire, une confidence
Un morceau de vie, avec de la lumière dedans qui danse
Ce n’est plus du vidage de sac, de la psy sauvage
Un dépeçage d’angoisses, un naufrage
Ça devient un texte, une poésie, un slam
Que j’vous déclame…


Page créée et mise en ligne les 6 et 7.01.2021. Remerciements à Marie-Stéphane Vaugien.