Les oeillets du poète

 

Une nappe de brume glisse sur le jardin,
L’enveloppe, s’infiltre dans les moindres recoins.
La montagne s’estompe, à cache-cache elle joue,
La vallée disparaît nous cachant ses dessous.
La feuillaison d’été semble être suspendue…
A la clarté ouateuse qui infiltre les nues.

Les cieux bleutés s’appuient sur les cimes altières,
Le jardin se découvre… Renaît sous la lumière.
Dans l’ombre du tilleul étourdie m’émerveille :
Le calme m’assourdit, l’harmonie naît, s’éveille.
La brume peint efface d’éphémères tableaux,
Invente l’infini… Comme cela est beau…

Les aquarelles naissent, s’étirent, se transforment…
Comme l’oiseau je vole, comme l’herbe frissonne.
A pas légers, avance pour ne rien déranger,
La glycine frémit au coin de l’escalier !
Un lézard tire la langue, il est ici chez lui
Et ne craint pas le monstre qui avance sans bruit.

Effleurant l’herbe verte courent les araignées,
Les sauterelles en gerbes éclatent sous mes pieds.
Sans s’épuiser la taupe laboure à l’aveuglette
Des monticules explosent aux pieds des violettes.
Sur la lavande abeilles, guêpes, bourdons se gavent :
Symphonie aérienne, les escargots en bavent.

Les œillets « du poète » aux lèvres carminées
Les œillets de mon père ramènent aux temps passés.
Je les couvre d’amour, les serre sur mon sein…
Y sens battre son cœur…  A l’amble va le mien.

Couleurs et senteurs sont métamorphosées
Lors des quatre saisons sans cesse renouvelées.
Au printemps les crocus, tulipes, le muguet,
En s’endormant réveillent les pensées, le genêt.
L’iris sur la jacinthe en se penchant la frôle
La gueule de loup grimace bouche bée : Est elle drôle.

La rose altière abrite la frêle pâquerette,
Le lys immaculé la gracile violette.
Le thym, la marjolaine s’enlacent depuis des temps,
Le romarin, la menthe flirtent inlassablement.
Les fraisiers, groseilliers, framboisiers rougissent
Sous les chaudes œillades du roi soleil, complice.
Le jardin est en fête. Une main habituée,
Des herbes envahissantes, vient de le délivrer.
La nature se vêt de robes audacieuses.
Elle est charme, secrète, osée, mystérieuse.
Les décors s’inventent au gré du vent câlin,
La lumière éclabousse, le spectacle est divin.

Les oiseaux dans un même refrain s’époumonent :
La chorale frémit, les ballets tourbillonnent,
Les variations s’enchaînent : Fourmis et scarabées
Se croisent se suivent s’épousent, excellent dans les portés.
Subtils sont les parfums, exaltants ou sensuels,
Aujourd’hui ou demain belle est la ritournelle.

Les œillets « du » poète aux lèvres carminées,
Les œillets de mon père ramènent aux temps passés.
Je les couvre d’amour, les serre sur mon sein,
Y sens battre son cœur, consolant mon chagrin.
 

 

 

Evelyne DUTHEIL-LALLEMENT
(OCTOBRE 2010)

Poème aimablement communiqué par l'auteur que nous remercions. 25.04.11