Le Pourpier et le Roseau

J'étais en admiration devant le muret garni de dentelle fleurie. Mon voisin m'a alors vantél e pourpier vivace de sa rocaille. Et de me proposer cinq ou six brins qu'il coupa avec l'ongle. J'ai planté ces tiges frêles dans le grand bac d'où ruissellent déjà des plantes dont j'ignore le nom, indifférentes aux soleils brûlants comme aux gels modérés de Provence. Avec un doute certain quant à leur "reprise". Et voilà que, dépassant le sursis que je leur accordais, elles se gonflent de vert satiné, se parent de corolles rouges, délicates soies frangées.

J'avais planté un tronçon de roseau pour baliser leur présence. Un sentiment de jalousie ou d'émulation a-t-il pu naître ? Toujours est-il que mon segment de roseau, refusant le rôle passif de jalon, s'est mis à pousser des feuilles ! Un large bouton vert qui se déplie en fines lamelles.

-Quoi ! me dit-il. Ne suis-je pas capable de puiser moi-même des sèves d'espérance ? Vous serez étonné de ma vigueur, car, si mes belles voisines cascadent sur la pierre, moi, je monte vers l'azur.

Me voilà confus et émerveillé devant ces prodiges. Ce soir, un moineau est venu se jucher sur mon roseau.

Robert MICHEL

Texte publié dans la chronique "Aquarelles" du Bulletin d'Espalion du 13 août 2004,
aimablement communiqué par Robert Michel et reproduit avec son autorisation.
Avec tous nos remerciements.


Mise en ligne de cette page : 16.09.2016 par Nathalie Cousin.

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