Itinéraire d'un rêve

Sur mon chemin semé de herses et de faux,
Un petit reposoir badigeonné de chaux...

J'y suis entré très las... j'y suis resté deux heures...
Dans la maison du père il est bien des demeures...

Et je suis reparti, pensif, en fredonnant,
Pour égailler la route, un air carillonnant...

Ma main n'étais plus seule : elle en serrait une autre.
Je me trouvais couvert d'un vieux manteau d'apôtre...

Un feu vif, près de moi, luisait d'un regard noir,
Et j'entendais frémir, au ciel, un vent d'espoir...

Nous avons bien marché cinquante-deux semaines,
Echangeant nos plaisirs et allégeant nos peines...

Parfois un masque sombre a voilé le soleil :
L'enfer, à notre nuit, ces jours, était pareil...

Mais quelquefois aussi, au tournant d'une pente,
Fusait, d'un paradis, la clarté éclatante...

Et petit à petit, nous sommes parvenus
Aux abords dépeuplés d'un royaume inconnu...

Et nous avons stoppé près des marches d'un trône,
Attendant quelque chose : un sacre ou bien un prône...

Gravirons-nous jamais les solennels degrés,
Trop déserts, trop sacrés, trop hauts à notre gré... ?

Peut-être si la Foi nous garde l'Espérance,
Et si l'Amour nous donne un peu de sa puissance !

Roland Strauss,

poème daté du 11.1.1953, publié dans L'Ouvre Boîte à Poèmes, n° 90, p. 23.


maj 8.8.18