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J. Dion-Guérin : "Il fait un temps de tournesol" (recension)

Jeannine Dion-Guérin

Il fait un temps de tournesol
préface de Michel Bénard,
photographies de Dominique Goutal-Guérin et de Michèle Lacker,
Editinter, 2015.

ISBN 978-2-35328-143-5 (17 €)

Il fait un temps de tournesol

Lire une poésie de Jeannine, c’est comme écouter un concerto de Vivaldi ou une cantate de Bach « Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même / Ni tout à fait une autre » (Verlaine). Qui s’en plaindrait ? C’est un peu comme une litanie, une « litanie de printemps », on est toujours dans « Les Quatre saisons du poète1 » !

Ce sont toujours les mêmes thèmes, les mêmes images, les mêmes mots qui reviennent mais comme « toute fleur est une fleur refleurie » (François Cheng) 2, tout poème de Jeannine est « un tournesol dans sa fleur » (comme dit la chanson Les Moulins de mon cœur) qui vit et meurt et revit plus vivant, plus prégnant.

On se retrouve dans l’univers familier de Jeannine à la suite de ses précédents livres publiés chez Editinter : après Le Signe, quel signe, Sablier des Métamorphoses, L'écho des nuits, Petite suite pour une convalescence, Les sabots de bois vert, voici donc un sixième titre Il fait un temps de tournesol. Trilogie, quadrilogie, puis pentalogie, le cycle s’agrandit et forme une hexalogie ! (si, si, ces termes existent, voyez Wikipédia !) impressionnante de constance et de fidélité à soi-même. Oui, de fidélité pour créer ainsi une œuvre singulière et universelle « pour mieux interroger nue les énigmes de l’Univers » (IFTT3 p. 65).

Dans chacun de ses livres, Jeannine explore plus particulièrement un de ses thèmes favoris et l’enrichit de tous les autres thèmes qui sont les siens : le signe, la métamorphose, la nuit, la résilience, la Terre et la terre des mots, l’arbre, la pierre, l’oiseau, etc. Ici, ce sont les tournesols qui sont à l’honneur. Ils évoquent la lumière, la beauté, la vie, « la magie de leur sève d’or » (IFTT p. 54), le soleil, le Midi, l’été, et bien sûr l'incontournable Vincent Van Gogh. Jeannine célèbre ici la « terre toulousaine » qui lui est chère, évoque au passage la citadelle de Montségur, symbole de résistance des Cathares.

Jeannine voit « par les yeux des tournesols » (pour paraphraser Le Clézio)4 et se sait elle-même tour à tour infiniment tournesol, arbre, pierre, « née de la terre, et revenue vers la terre » (Le Clézio).

Plein de fierté aux « temps de magnificence » (IFTT p. 53) ou humilié et « fané à cœur » (IFTT p. 61) en automne, le tournesol, auquel s’identifie notre poète, est placé sous le signe de Janus, « de la lumière à la clarté, de l’ombre à l’ambiguïté » (IFTT p. 135). Le « temps de tournesol » conjugue « Être et avoir été » (IFTT p. 53), l’éphémère et l’éternel, fêtant la vie par tous les sens en éveil.

Il faut une grande force d’âme et de caractère pour parvenir à « résister aux ondes contraires » (IFTT p. 85), vivre, Sourire, s’émerveiller et cultiver l’humour, même et surtout les jours de grande solitude, de deuil ou de mélancolie.

« Par où la route du bonheur ? »

Sans doute, pour Jeannine, dans les « petits  " rien " » (IFTT p. 136), dans « toute minime parcelle d’amour » à débusquer (IFTT p. 135), dans la caresse, celle du soleil, « qui rend le corps plus vivant » ((IFTT p. 101), dans la sensualité de l’humus, « la saveur de la terre » (IFTT p. 63), dans le « lopin de ses mots » (IFTT p. 69) et ses « libres écheveaux » (IFTT p. 134).

 Les photographies en couleur, superbes, signées de Dominique Goutal-Guérin et de Michèle Lacker, placent le lecteur en situation, « sur le motif », comme s’il était lui-même au beau milieu de la campagne toulousaine, au beau milieu d’un champ (ou d’un chant) de tournesols en se disant à chaque vers : c’est ça, c’est exactement ça, et voyant lui aussi par les yeux du tournesol, par les yeux de la chevêche.

Jeannine, aujourd’hui, je suis là, dans tes mots, et je chante avec toi, à travers cette « peinture que l’on entend Musique » (IFTT p. 57) « la mélodie de tes " Je t’aime " ».

 


Notes :

1. Cf. Titre de l’émission « En vers et avec tous » du jeudi 13 décembre 2012, sur IDFM Radio Enghien, avec, ce jour-là, Jeannine Dion-Guérin, Aymeric de l’Hermuzière et Nathalie Cousin.

2. Cf. Entretiens avec Françoise Siri, Albin Michel, 2015, p. 108.

3. Abréviation pour Il fait un temps de tournesol.

4. Cf. L’extase matérielle, Gallimard, Folio Essais, 1998, p. 260-261.

 

 


Autres recensions :

Journal de François

Nathalie Cousin,

25 avril 2015