« Les Psaumes de Maggy »

 

Recension par Nathalie Cousin :

Maggy De Coster

Les versets simplifiés du soleil levant

préface de Mario Selvaggio ; [illustration de couverture : Nicole Durand],
Éditions du Cygne, « Poésie francophone », 2016, 51 p.
ISBN 978-2-84924-472-2 – 10 €.

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Voici un recueil d’une richesse inépuisable, en effet « à lire et à relire », comme le souligne Mario Selvaggio dans sa belle préface qui rend presque superflue toute autre recension. Essayons cependant de donner un aperçu de quelques-unes des multiples facettes contenues dans Les versets simplifiés du soleil levant.

Arrêtons-nous un instant sur le mot « verset » : « Le nom de verset a d’abord été dévolu, dès le XIIIe siècle, aux unités généralement présentées en petits paragraphes dans les textes sacrés. Depuis le début du XXe siècle, il est employé pour désigner, dans certains textes poétiques, des ensembles qui excèdent la mesure du vers, et peuvent même compter plusieurs lignes, jusqu’au paragraphe entier.1»

À quel genre s’apparentent le plus les versets de Maggy De Coster ? La réponse se trouve sans doute dans les Psaumes de la Bible, immense texte de tradition à la fois sacrée et poétique.2 Les « psaumes » poétiques de Maggy s’en inspirent directement en les « simplifiant », d’abord en réduisant leur nombre à quarante, chacun étant composé d’un plus petit nombre de versets.

Rappelons le symbolisme du nombre quarante : « C’est le nombre de l’attente, de la préparation de l’épreuve ou du châtiment. « Ce nombre marque l’accomplissement d’un cycle qui doit aboutir […] à un changement radical, un passage à un autre ordre d’action et de vie.3 »

 » Qu’attend donc notre psalmiste ?

« J’attends que vienne le jour à pas feutrés
colmater les brèches laissées par l’ennemi du bien

J’attends que le soleil vienne en fanfare
sertir de ses rayons le côté pile de la terre

Soleil levant eric lorenz detail redim
J’attends que la mer vienne me dorloter
avec le trémolo de ses vagues en goguette
J’attends que la lune vienne épouser mes rêves
dans la nuit du solstice d’été
J’attends que le vent vienne sécher mes pleurs
         de son souffle frémissant
J’attends le sacre de la première hirondelle du dernier printemps » (30)4

 

Les poèmes ne s’adressent pas nommément à Yahvé (dit il est vrai « soleil de justice » dans le Psaume 19 de la Bible), mais, ici, à la nature tout entière dans une sorte de prière panthéiste :

« Ô nature immarcescible je t’adjure de nous être favorable ! » (12)

Conformément au titre, ces versets sont ceux du soleil :

 « Sur le parchemin de ma vie
J’ai écrit les versets du soleil

À réciter avec allégresse » (17)

      

L’invocation s’élève en chant jusqu’aux étoiles les plus brillantes du ciel nocturne :

 […]« Je chanterai la chanson des étoiles
Dans l’allégresse des moments » (14)

 

« Je m’en vais dans le brouillard convoquer mon étoile
Pour vivifier mon cœur avec la myrrhe de ses mots » (39)

[…] « J’invoque l’éclat tutélaire d’Altaïr
À l’acmé de mes sentiments » (31)

330px altair

 

Livre de louange, le psautier est en effet aussi un « livre de sentiments »5 où le (la) psalmiste peut exprimer librement et personnellement ses émotions et ses pensées. Dans Les versets simplifiés du soleil levant, Maggy de Coster, « porte-parole de la vérité » (Mario Selvaggio), s’engage pour livrer, avec l’aide de « l’esprit sain » (12) (jeu de mot sur l’Esprit Saint) et de la « pensée positive » (3), un combat courageux et acharné contre les forces archaïques de la peur et du mal, en espérant la victoire de la paix, de l’amour, de l’amitié... Tout cela avec un vocabulaire simple et imagé, un style foisonnant et expansif à base de répétitions de compléments de noms :

 

 « Avec le bouclier de l’amour
Je vaincrai les affres de la peur

Mon chant de victoire s’élèvera dans les airs » (3)

Goddess nike at ephesus turkey

 

« J’assemble les vertèbres des mots
Pour construire une pyramide de pensées

salvatrices en faveur des âmes en péril » (7)

« À la guerre nous donnerons une sépulture
Et nous érigerons des citadelles de lumière

Pour les rescapés des ténèbres » (39)

La poésie est certes pour Maggy De Coster un instrument de résistance et de révolte. Mais, libératrice et consolatrice, l’autre hémisphère de sa poésie va « à pas feutrés » ; elle est aussi « aérienne » que les oiseaux, les sylphes ou les anges qui peuplent ses versets. Elle permet le rêve : « Je caresse ma chimère » (20), l’imaginaire :« Je réécris les contes des mille et une nuits » (22), l’éveil de tous les sens :


« Je tends l’oreille pour écouter le souffle épique du vent », […]
Je goûte au sel de la joie en offrant une légère caresse
Aux éphémères coquelicots des champs
 » (5).

Coquelicots arc en ciel

Elle permet de « [combler] le vide laissé par l’absence. » (40). Pleine d’amour et d’espérance, elle permet enfin de renaître :


« Moi le phénix des temps modernes
Je renais avec mon âme d’enfant »
6 (22)

Phenix

 


NOTES

1. Cf. Michèle Aquien et Georges Molinié, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, La Pochothèque, 1999,
p. 727.

2. Joël Prohin, décrit le livre des Psaumes comme un « livre de poèmes faits pour être chantés avec un accompagnement d'instruments à cordes ».  « 150 Poèmes en un livre », Promesses, n° 174 oct.-déc. 2010, en ligne : http://www.promesses.org/arts/174p2.html [consulté 23.3.17]

3. Cf. « Art. « Quarante », dans Dictionnaire des symboles, R. Laffont, « Bouquins », 1988, p. 793.

4. Les numéros entre parenthèses renvoient aux numéros des poèmes.

5. Cf. Joël Prohin, article cité.

6. En écho au Ps 131 : « Comme un petit enfant, telle est mon âme en moi ».


Titres et source des images illustrant cet article :
-Soleil levant, photo © Eric Lorenz
-AltaÏr, source image
-Bas-relief de Niké à Éphèse, source image
-Coquelicots, source image
-Le phénix, source image

Lire des extraits sur le site le pan des muses

 


Recension rédigée en mars 2017, à paraître dans la revue L'Ouvre Boîte à Poèmes.

Mise en ligne de cette page : 31.05.2017 par Nathalie Cousin