Promeneuse

 

Toi

qui promènes
de rues en rues,
de nuit en nuit,
ta peau blanche et ton stérilet,
ta poitrine bien dessinée
par Michel-Ange
ou par le diable,

toi
qui trimbales
de ville en ville,
de jour en jour,
ton parfum et ton rouge à lèvres,
ta taille si bien affinée
par le masseur
ou par son frère.
ou par son frère,
toi
qui balades
de piaule en piaule,
de mains en mains,
tes fins collants et tes bottines,
tes cuisses bien trop satinées
par le vibro
ou le masseur,

toi,
qui coltines
de lit en lit,
de mec en mec,
ton balconnet et ton panty,
ton joli sexe enfariné
par les bons soins
du gynéco,


pense un peu à tes soeurs,
là-bas,
là-bas dans les provinces
                noires.


à toutes celles qu'on excise,
        à toutes celles qu'on violente,
            à toutes celles qu'on engrosse,
                    à toutes celles qu'on... rejette.

Penses-tu quelquefois
à toutes celles-là
qu'on déflore sans égards aussitôt que pubères,
qui ont fini leurs vies quand tu commences à vivre
et ne savent l'amour si tu as mille amants ?
 Penses-tu quelquefois
        à leur sexe abîmé par le mâle impatient,
à leurs hanches gauchies de grossesse en grossesse,
         à leurs seins crevassés à coups de lactations,
à leurs cuisses flétries qui s'écartent sans joie ?

Toi
qui promènes
de nuit en nuit,
de mec en mec,
ta peau blanche et tes fins collants,
tes cuisses rondes et leur satin,
tes jolis seins et leur parfum,
ton sexe libre et ses caprices,

écoute le silence de tes soeurs,
là-bas,
là-bas dans les provinces
                            noires.

Yves-Fred Boisset